Adoption d’une nouvelle feuille de route pour accélérer les progrès en matière d’égalité des sexes

Suva

Lors de leur sixième Conférence, tenue à Suva (Fidji) au début du mois d’octobre, les ministres de la Condition féminine ont adopté une ambitieuse feuille de route dont la mise en œuvre se déroulera sur 12 ans et qui a pour objet d’accélérer les progrès réalisés en matière d’égalité des sexes dans la région à l’horizon 2030.

Le Programme d’action océanien en faveur de l’égalité des sexes et des droits fondamentaux des femmes 2018-2030 propose des solutions concrètes qui pourront aider les pays insulaires océaniens à faire avancer la cause de l’égalité hommes-femmes et à améliorer le bien-être des femmes et des filles.

Il va aussi permettre aux pays et aux dirigeants de la région de concrétiser les engagements pris à l’échelle internationale en matière d’égalité des sexes, et donner aux organisations régionales et aux partenaires du développement les moyens d’appuyer plus efficacement les efforts engagés à l’échelon national.

« Le nouveau Programme d’action océanien ne pourra être mis en œuvre de manière efficace que s’il s’appuie sur la participation active des pouvoirs publics, tous secteurs confondus, aux côtés de la société civile, des organisations confessionnelles et du secteur privé, qui étaient tous bien représentés lors des conférences », explique Colin Tukuitonga, Directeur général de la Communauté du Pacifique (CPS), avant d’ajouter : « le Programme d’action océanien contribuera également à guider les activités des organisations régionales et des partenaires du développement ».

Au cours des quelques journées qui ont précédé la Conférence des ministres, plus de 200 participants venus de 21 pays insulaires océaniens se sont réunis à l’occasion de la treizième Conférence régionale des femmes du Pacifique afin d’évoquer la situation économique des 4,5 millions de femmes et de filles que compte l’Océanie. Même si elles constituent la moitié de la population de la région, les femmes restent sous-représentées dans le domaine économique, du fait de législations discriminatoires et de normes sociales et culturelles qui leur imposent des responsabilités domestiques et familiales irréalistes.

Les ministres de la Condition féminine des Îles Cook, des Fidji, de Kiribati, des Îles Marshall, de Nauru, du Samoa et des Îles Salomon ont participé à cette conférence présidée par Mereseini Vuniwaqa, ministre fidjienne de la Condition féminine, de l’Enfance et de la Lutte contre la pauvreté.

Pendant ces trois journées de débat, des représentants des pouvoirs publics et de la société civile ont examiné les obstacles persistants à l’élimination des inégalités économiques entre les hommes et les femmes, à l’amélioration des perspectives d’emploi des femmes et à la pleine contribution des femmes au développement économique de la région, dont elles-mêmes ne bénéficient pas suffisamment.

Dans son allocution d’ouverture, Hilda Heine, la Présidente de la République des Îles Marshall, a souligné le lien direct entre émancipation économique et résilience dans le contexte océanien : « Lorsque les femmes peuvent réaliser leur potentiel économique, la croissance s’installe et les sociétés prospèrent ; les familles s’enrichissent et résistent mieux aux aléas de la conjoncture », a-t-elle déclaré.

Les participants ont passé en revue et salué les avancées réalisées au cours des vingt dernières années dans le domaine de l’émancipation des femmes et des filles. L’accès à l’éducation et à la formation postsecondaire et supérieure s’est amélioré, et un nombre croissant de femmes bénéficient de congés maternité dans le secteur public. De plus, le nombre de femmes cotisant à des régimes de retraite leur assurant une sécurité financière durable est en hausse. Pour autant, les progrès observés dans ces différents domaines ne sont pas encore synonymes d’égalité entre les hommes et les femmes en matière d’emploi ou de maîtrise des moyens de production. De fait, le rapport sur l’évaluation et les tendances relatives à l’égalité des sexes, publié en 2016, et sur lequel s’appuie la Déclaration pour l’égalité hommes-femmes dans le Pacifique adoptée par les dirigeants des pays membres du Forum des Îles du Pacifique, souligne que les inégalités salariales entre hommes et femmes persistent, et se sont même creusées dans certains pays.

Les raisons d’un tel écart sont complexes. Elles tiennent notamment aux rôles traditionnellement attribués aux hommes et aux femmes dans la société, aux obstacles structurels et comportementaux à la participation égale des hommes et des femmes à la prise de décision, aux entraves à l’accès à la justice, à l’héritage et à la propriété, mais aussi à des systèmes de valeurs ancestraux qui confèrent au sexe masculin une autorité sur les femmes dans certaines régions d’Océanie.

En dépit de ces inégalités, les femmes apportent une contribution considérable à l’économie océanienne. Aux Îles Salomon, par exemple, le marché central de Honiara réalise un chiffre d’affaires annuel de 10 à 16 millions de dollars des États-Unis ; les femmes sont à l’origine de près de 90 % de l’activité du marché, tant pour l’achat en gros auprès des agriculteurs que pour la vente au détail. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, la production vivrière, dont la valeur est estimée à 55 millions de dollars É.-U. par an, est très largement l’apanage des femmes.

Dans ce contexte, la réduction des inégalités entre hommes et femmes dans les États et Territoires insulaires océaniens est une priorité tant morale qu’économique. Selon les estimations, ces inégalités réduisent le PIB mondial de plus de 1 000 milliards de dollars des États-Unis. Pour que l’Océanie puisse espérer atteindre ses objectifs de développement, il est impératif que les femmes aient la possibilité de participer pleinement, et sur un pied d’égalité, à l’économie de la région.

Hilda Heine a fait à cet égard la déclaration suivante : « Nous devons faire preuve de courage et de force. Nous devons favoriser l’égalité des sexes et l’émancipation économique des femmes dans chacune de nos actions. En effet, si nous ne le faisons pas, qu’allons-nous dire à nos femmes, à nos filles, à nos mères, à nos tantes et à nos nièces qui vivent dans des villages isolés ? ».

La treizième Conférence régionale des femmes du Pacifique et la sixième Conférence des ministres de la Condition féminine ont été organisées par la Communauté du Pacifique avec le concours du Gouvernement australien, au travers d’un financement de 200 000 dollars australiens.

Le relevé des conclusions de la sixième Conférence des ministres de la Condition féminine peut être consulté sous ce lien dans sa version anglaise (version française en cours de finalisation).

Le Programme d’action océanien en faveur de l’égalité des sexes et des droits fondamentaux des femmes 2018-2030 est également disponible en ligne dans sa version anglaise (version française en cours de finalisation également) :

Les inégalités hommes-femmes en chiffres

Îles Cook

En 2011, l’écart de salaire entre les hommes et les femmes était de 20 % : le revenu brut des femmes était inférieur de 20 % en moyenne à celui des hommes. Ce chiffre est identique à celui enregistré en 2006, mais en recul par rapport à 2001, année pour laquelle on relevait un écart salarial de 29 %. Les industries culturelles et créatives des Îles Cook demeurent un secteur porteur. En 2011, au moins 23 % des personnes percevant une rémunération ou un bénéfice étaient directement ou indirectement associées à ces deux industries. Près de 54 % d’entre elles étaient des femmes, alors que ces dernières ne représentaient que 47 % de la main-d’œuvre totale. Le dynamisme du secteur touristique et la grande créativité des artistes locaux continuent de porter le secteur des industries créatives et sont un atout précieux pour les producteurs culturels. Selon l’étude Building Business Value Supply Chain in the Pacific Region (Développer des chaînes d’approvisionnement à valeur ajoutée dans le Pacifique) réalisée en 2012 dans le cadre du projet BizClim, il existe aux Îles Cook un nombre relativement élevé d’entreprises privées dans le secteur des industries culturelles, parmi lesquelles des points de vente au détail d’objets d’art et d’artisanat.

États fédérés de Micronésie

En 2014, 25 % des femmes ayant déjà vécu en couple à Chuuk et à Kosrae avaient été victimes de violence économique de la part d’un partenaire intime, contre 8 % à Pohnpei et Yap, pour un taux global de 15 % au niveau national. À Kosrae, les femmes représentent 36 % des employés affiliés à un organisme de sécurité sociale. Elles sont 38 % à Pohnpei, 40 % à Chuuk, 41 % à Yap et 39 % à l’échelle nationale. Les femmes représentent 39 % des employés du secteur formel, perçoivent 36 % des rémunérations brutes, et gagnent en moyenne 13 % de moins que les hommes.

Fidji

En 2015-2016, les femmes ayant un emploi rémunéré consacraient en moyenne 24 heures par semaine aux travaux domestiques, contre 10 heures pour les hommes. En 2016, 25 % des femmes travaillant dans le secteur public avaient déjà été victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail, soit un taux supérieur aux 20 % enregistrés au niveau national selon une étude réalisée par le Mouvement fidjien en faveur des droits des femmes.

Kiribati

En 2015, une femme sur deux au sein de la population active était à la recherche d’un emploi : le taux de chômage des femmes de 15 ans et plus était de 50 %, contre 38 % pour les hommes.

Papouasie-Nouvelle-Guinée

Une étude réalisée en 2015 par les Nations Unies sur six marchés (Gerehu, Gordons, Tokarara, Malauro, Waigani et Hohola) a révélé que 55 % des femmes qui y vendaient leurs produits avaient été victimes d’actes de violence de diverses natures perpétrés au marché au cours de l’année précédente (harcèlement sexuel, viol, vol, intimidation, traque, extorsion, entre autres). Les faits d’extorsion concernaient des hommes exigeant des femmes qu’elles leur versent de l’argent en échange de leur protection ou du gardiennage de leurs produits.

Samoa

Entre 2008 et 2014, les ménages dirigés par des hommes ont davantage bénéficié de la croissance économique que ceux dont le chef de famille était une femme. Cette situation tient au fait que la proportion de ménages dirigés par des femmes a davantage augmenté dans le quintile des revenus les plus bas que dans celui des revenus les plus élevés en comparaison de l’augmentation du nombre de ménages dirigés par des hommes.

Vanuatu

Les femmes assurent généralement le plus gros des tâches non rémunérées, à raison de 27,2 heures par semaine, soit 80 %, contre 6,6 heures pour les hommes (20 %). En 2015, le cyclone tropical Pam a touché environ 3 600 femmes micro-entrepreneures, qui auraient perdu, selon les estimations, 141 110 jours de travail, soit en moyenne 39 jours chacune. D’après l’évaluation des besoins post-catastrophe réalisée dans le pays, le travail supplémentaire non rémunéré effectué par les femmes (remise en état des habitations et des jardins, corvées d’eau, recherche de nourriture et garde des enfants en raison de la fermeture des écoles primaires et des jardins d’enfants) a représenté un manque à gagner d’au moins 432 millions de vatu, ce qui équivaudrait à accroître de 27 % le montant estimé de la perte de revenu.

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