« Le Programme pêche hauturière de la Communauté du Pacifique (CPS) mène à bonne fin une campagne de marquage des thonidés sans précédent »

Suva

Dans le Pacifique, la pêche thonière représente une activité d’envergure mondiale qui génère plusieurs milliards de dollars chaque année, emploie des millions de personnes et assure la subsistance de millions d’autres hommes et femmes.

Le Programme pêche hauturière de la CPS a récemment mené à terme une campagne de marquage des thonidés, au cours de laquelle près de 28 000 spécimens ont été marqués puis relâchés dans l’océan Pacifique. Alors que les marques seront progressivement récupérées, les données collectées permettront de mieux connaître l’état des ressources thonières du Pacifique, en suivant la mortalité, les déplacements et la croissance des spécimens marqués. Ces données fournissent des paramètres démographiques essentiels qui servent ensuite à évaluer la santé des stocks de thons et l’impact des pratiques de pêche.

Ces trente dernières années, la pêche thonière s’est développée dans le Pacifique au point qu’aujourd’hui, plus de 60 % des thons pêchés de par le monde sont capturés dans cette région. Les activités industrielles de pêche à la senne, à la palangre et à la canne fournissent l’essentiel des prises, mais les petites unités réalisent également d’importantes captures. Néanmoins, certaines menaces, comme la surpêche ou le changement climatique, mettent en péril ces ressources naturelles vitales.

La Commission des pêches du Pacifique occidental et central (WCPFC) a pour mission de mettre en place des pratiques de gestion durables et des mesures de conservation des stocks de poissons grands migrateurs (thons et poissons à rostre) dans toute la région. Il est donc nécessaire de collecter des données afin de mieux comprendre la biologie des thons et d’évaluer plus précisément l’impact des activités de pêche sur leurs populations, de sorte que la WCPFC puisse prendre des décisions en matière de gestion. Une grande partie de ces données sont recueillies grâce aux campagnes de marquage menées par la CPS.

Bruno Leroy, Chargé de recherche halieutique, avec une bonite marquée
Bruno Leroy, Chargé de recherche halieutique, avec une bonite marquée

En septembre 2017, le Programme pêche hauturière de la CPS a lancé une campagne de marquage de deux mois, ciblant les eaux de Papouasie-Nouvelle-Guinée et des Îles Salomon et dirigée par Bruno Leroy, Chargé de recherche halieutique. Cette campagne s’inscrit dans le cadre du Programme régional de marquage des thonidés, porté par la WCPFC et mis en œuvre par la CPS. Amorcé en 2006, ce programme de marquage est le plus important jamais mis en œuvre dans le monde.

Au cours de cette récente expédition, les techniciens de marquage ont posé sur les thons de petites étiquettes en plastique, appelées marques externes. Le marquage est réalisé à bord de canneurs, où le poisson est attrapé, mesuré, marqué et relâché en l’espace de quelques secondes. Des informations sur chaque spécimen marqué (espèce, taille, état de santé et qualité du marquage) sont enregistrées grâce à des enregistreurs vocaux.

Durant le marquage, les scientifiques ont également relevé des données biologiques sur les thons et les espèces accessoires (mahi mahi, coureur arc-en-ciel et thazard du large) trop abîmés pour être relâchés. Ce travail consiste notamment à prélever des échantillons (gonade, foie, estomac, otolithe, muscle et épine dorsale) destinés à être congelés avant d’être transmis au centre de ressources biologiques du thon de la CPS, à Nouméa (Nouvelle-Calédonie). Ces échantillons biologiques permettront d’approfondir les connaissances relatives à la biologie des thons et des espèces accessoires, et, partant, de mieux évaluer l’état des stocks de thonidés du Pacifique.

Soltai 105, un canneur de 37 mètres affrété par la CPS pour cette campagne de marquage
Soltai 105, un canneur de 37 mètres affrété par la CPS pour cette campagne de marquage

L’équipe chargée de cette toute dernière campagne de marquage menée par la CPS a rencontré des conditions climatiques difficiles alors qu’elle cherchait des bancs de thons dans l’ouest de l’océan Pacifique. Après avoir pris du retard en début de projet, en raison des lourdeurs administratives liées à l’obtention des permis et visas requis pour pouvoir effectuer des recherches dans les zones économiques exclusives (ZEE) de différents pays, elle a mis le cap sur sa première destination : la petite ville de Noro, dans la province occidentale des Îles Salomon. Il s’agit de l’un des ports de pêche thonière les plus importants du Pacifique. C’est aussi le port d’attache du Soltai 105, un canneur de 37 mètres affrété par la CPS pour réaliser cette campagne de marquage. Ce navire et ses 30 membres d’équipage – tous originaires des Îles Salomon – ont permis aux scientifiques de la CPS de marquer et de relâcher quelque 300 000 thons à travers toute la région du Pacifique occidental et central, et ce, depuis 2008 (en 2006 et 2007, la CPS avait affrété un navire plus ancien appartenant à la même société).

Alors que le navire se déplaçait vers la ZEE de Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’équipe a décidé de pêcher autour des dispositifs de concentration du poisson (DCP) ancrés, une tactique qui s’est parfois révélée payante, mais qui faisait aussi courir à l’équipe le risque de retarder l’expédition lorsque les DCP demeuraient introuvables. D’autant que rien ne garantissait la présence des espèces ciblées autour des DCP restés en place. L’équipe s’est également efforcée de suivre les volées d’oiseaux afin de localiser les bancs libres à proximité.

Certains jours, l’équipe a tenté de marquer des poissons durant des heures et dans des conditions difficiles, sans le moindre succès. Parfois, elle est parvenue à poser des milliers de marques en une journée. Un technicien de marquage peut à lui seul marquer des centaines de poissons en une journée, mais il arrive aussi que ses efforts restent vains. Pendant ces expéditions, la mer est souvent agitée, les vents, violents, et les pluies, abondantes. Le travail de marquage était également pénible lorsque les bancs ciblés comptaient de grands individus de plus de 60 centimètres. Les queues de ces animaux peuvent alors blesser et griffer les pêcheurs qui luttent pour les capturer et les marquer.

Les opérations de marquage demandent de la patience, du courage et de la persévérance de la part des membres de l’équipage et des scientifiques qui vivent et travaillent à bord dans un espace restreint. Il est arrivé à l’équipe de passer des jours entiers à talonner des bancs de thons insaisissables, qui lui échappaient au dernier moment. Dans certains cas, avec un peu de chance et une bonne organisation, les techniciens sont parvenus à marquer et à relâcher des milliers de spécimens dans l’océan.

Maintenant que l’équipe a terminé son laborieux travail de marquage, Caroline Sanchez, Technicienne halieute principale et Chargée de la récupération des marques, va collecter et analyser les données recueillies à l’aide des différentes marques, au fur et à mesure que celles-ci sont renvoyées par les pêcheurs de toute la région. Ces marques seront probablement éparpillées sur une vaste superficie d’océan, de la Thaïlande à l’Équateur, voire au-delà, et leur récupération peut prendre beaucoup de temps.

Lorsqu’un pêcheur récupère une marque posée sur le dos d’un thon, il remporte une prime s’il la renvoie à la CPS, en précisant la date et le lieu de la capture, ainsi que la taille de l’animal. Ces données fournissent de précieux renseignements sur la mortalité par pêche, la mortalité naturelle, les déplacements et la croissance des poissons. Et toutes ces informations constituent d’importants paramètres démographiques servant à évaluer la santé des stocks de thons.

Cette campagne visait à marquer 20 000 thons dans les ZEE de Papouasie-Nouvelle-Guinée et des Îles Salomon. Son succès est retentissant, puisque 27 780 marques ont été posées, les opérations de marquage ayant battu tous les records dans la ZEE des Îles Salomon. L’expédition a également été l’occasion de former de nouveaux techniciens aux opérations de marquage et de prélever de nombreux échantillons biologiques, qui permettront de suivre de manière plus précise la santé des stocks de thons, dans un contexte de pêche intensive et de climat en pleine évolution. Les données collectées à l’aide des marques au cours des mois et des années à venir permettront aux scientifiques de mieux connaître l’état des ressources thonières et d’évaluer l’impact des activités de pêche sur les stocks de thons du Pacifique. Avec cette dernière campagne sans précédent, la CPS contribue à étayer la prise de décisions en faveur d’une gestion durable, de façon à protéger les stocks de thons et toutes les personnes qui en dépendent.

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Fisheries, Aquaculture & Marine Ecosystems