Abrogation des lois discriminatoires et évolution des normes culturelles : les clés de l’émancipation économique des femmes en Océanie

Suva

Plus de 200 personnes, venues de 21 États et Territoires océaniens, se sont réunies cette semaine durant trois jours afin d’évoquer la situation économique des 4,5 millions de femmes et de jeunes filles que compte l’Océanie. Même si elles représentent la moitié de la population de la région, les femmes restent sous-représentées dans le domaine économique, du fait de législations discriminatoires ainsi que de normes sociales et culturelles qui imposent aux femmes des charges peu réalistes en matière de soin du foyer et de la famille.
Cet événement a rassemblé des délégués de haut niveau, et notamment Hilda Heine, présidente de la République des Îles Marshall, Kourabi Nenem, vice-président de Kiribati, Mereseini Vuniwaqa, ministre fidjienne de la Condition féminine, de l’Enfance et de l’Atténuation de la pauvreté, Sharman Stone, ambassadrice d’Australie pour les femmes et les filles, ou encore Colin Tukuitonga, Directeur général de la Communauté du Pacifique.

Au cours des trois jours de cette Conférence, des représentants des gouvernements et de la société civile ont débattu des moyens de résoudre plusieurs problèmes persistants : l’inégalité économique entre les sexes, le manque de possibilités d’emploi pour les femmes, et les obstacles qui empêchent les femmes de contribuer pleinement à l’économie de la région.

Dans son allocution d’ouverture, Hilda Heine a souligné le lien direct entre l’émancipation économique et la résilience en Océanie : « Lorsque les femmes peuvent réaliser leur potentiel économique, la croissance s’installe et les sociétés prospèrent ; les familles s’enrichissent et résistent mieux aux aléas de la conjoncture », a-t-elle déclaré.

Les participants à la Conférence ont passé en revue et salué les avancées réalisées au cours des vingt dernières années dans le domaine de l’émancipation des femmes et des jeunes filles. L’accès à l’éducation et à la formation postsecondaire et supérieure s’est amélioré, et les congés de maternité dans le secteur public se sont faits plus fréquents. De plus, le nombre de femmes cotisant à des régimes de retraite, afin d’assurer une sécurité financière durable, est en hausse. Toutefois, les progrès effectués dans ces domaines n’ont pas encore permis aux femmes de parvenir à l’égalité des chances en matière d’emploi, ni de contrôler les moyens de production. De fait, le rapport de tendances et d’évaluation de la Déclaration pour l’égalité hommes-femmes dans le Pacifique adoptée par les dirigeants des pays membres du Forum des Îles du Pacifique, publié en 2016, souligne que les inégalités salariales entre hommes et femmes persistent, voire se sont accentuées dans certains pays.

Les raisons d’un tel écart sont complexes. Il peut s’expliquer par les rôles traditionnellement attribués aux hommes et aux femmes dans la société, les obstacles structurels et comportementaux à la participation égale aux décisions, les entraves à la justice, à l’héritage et à la propriété, ou encore des systèmes de valeurs ancestraux qui associent le sexe masculin à l’autorité sur les femmes dans certaines régions d’Océanie.

Quoi qu’il en soit, en dépit de ces inégalités, les femmes apportent une contribution considérable à l’économie océanienne. Aux Îles Salomon, par exemple, le marché central de Honiara, réalise un chiffre d’affaires annuel de 10 à 16 millions de dollars des États-Unis ; les femmes sont responsables à près de 90 % de l’activité de ce marché, tant pour l’achat en gros auprès des agriculteurs que pour la vente au détail. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, la production vivrière, évaluée à 55 millions de dollars par an, est très largement l’apanage des femmes.

Dans ce contexte, la réduction des inégalités entre hommes et femmes dans les États et Territoires insulaires océaniens est une priorité morale, mais aussi économique. Les estimations montrent que ces inégalités réduisent le PIB mondial de plus de 1000 milliards de dollars. Si l’Océanie veut atteindre ses objectifs en matière de développement, les femmes doivent avoir la possibilité de participer pleinement à l’économie de la région.

Et Hilda Heine de conclure : « Nous devons faire preuve de courage et de force. Nous devons favoriser l’égalité des sexes et l’émancipation économique des femmes dans chacune de nos actions. En effet, si nous ne le faisons pas, qu’allons-nous dire à nos femmes, à nos filles, à nos mères, à nos tantes et à nos nièces qui vivent dans des villages isolés ? »

La treizième Conférence régionale des femmes du Pacifique se termine aujourd’hui, mais les questions d’égalité hommes-femmes resteront au cœur des débats de la sixième Conférence des ministres de la Condition féminine, qui s’ouvre ce soir. Ces deux événements sont coordonnés par la Communauté du Pacifique (CPS) et soutenus par le gouvernement australien, qui a contribué à leur financement à hauteur de 200 000 dollars australiens.

Pour tout complément d’information :
Veena Singh, chargée d’étude sur l’égalité hommes-femmes, [email protected]
Rajan Sami, spécialiste de la communication, [email protected]

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