S’engager à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris dans Pacifique à travers les « Contributions Déterminées au niveau national »

Article publié dans la Revue juridique, politique et économique de Nouvelle-Calédonie. Issue 41 | 2023/1.

 

De Palau aux Îles Kiribati, les pays insulaires du Pacifique sont sévèrement impactés par l’élévation du niveau de la mer, la violence accrue des cyclones et des précipitations ou sécheresses toujours plus intenses. Premières victimes du changement climatique, ces pays s’inscrivent pourtant dans une dynamique de résilience et développement des mesures d’adaptation et d’atténuation. Ainsi, depuis 2017, quatorze États ont créé la « Plateforme pour les contributions déterminées au niveau national du Pacifique » (NDC Hub) afin de réaliser leurs objectifs de développement durable (ODD) et de limiter le réchauffement climatique à 1.5°C.

Au cours de la dernière décennie, les îles du Pacifique ont subi de plein fouet les effets négatifs du réchauffement climatique en termes de conditions météorologiques difficiles et d’événements extrêmes, alors qu’elles ne représentent qu’environ 0,03 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Certains pays connaissent des pluies de plus en plus intenses et des épisodes de montées des eaux plus rapides qu’ailleurs, tandis que d’autres sont en proie à des périodes de sécheresse selon le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). L’Océanie se situe ainsi au coeur des enjeux du changement climatique du 21e siècle, en termes d’atténuation et d’adaptation.

L’atténuation, selon l’article 2 de la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques(CCNUCC), consiste à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. L’adaptation au changement climatique se définit, quant à elle, comme une « démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences » selon le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Les pays du Pacifique ont ratifié l’Accord de Paris en 2015 et se sont engagés à déployer des politiques climatiques ambitieuses qui restent, toutefois, conditionnées au soutien de l’aide internationale. En effet, pour mener à bien la transition vers un développement durable, les pays doivent identifier les besoins de financement, comprendre et évaluer les implications politiques et les réformes connexes, et développer des cadres propices à la mobilisation des investissements.

Afin de relever ce défi, la « Plateforme pour les contributions déterminées (CDN) au niveau national du Pacifique » (NDC Hub) a été mise en place en 2017 par les pays insulaires du Pacifique, sous l’impulsion de Fiji. Elle fonctionne comme une plateforme régionale multipartite pour établir, communiquer et actualiser les CDN. En s’appuyant sur ses partenariats et son expertise, le NDC Hub travaille en collaboration avec les gouvernements, la société civile et le secteur privé, permettant l’atteinte des engagements climatiques de chaque pays.

Qu’il s’agisse d’investir dans les énergies renouvelables, d’améliorer les systèmes de protection des côtes ou de développer des systèmes d’alerte précoce pour les catastrophes naturelles, chaque contribution déterminée au niveau national par chaque CDN est adaptée aux besoins spécifiques des pays. Ainsi, Nauru se concentre sur la création d’un cadre politique pour l’action climatique dans le secteur agricole (I), Vanuatu renforce sa politique environnementale (II), Palau met en oeuvre des solutions énergétiques durables (III), et Tonga et les États fédérés de Micronésie s’engagent avec leurs communautés locales pour assurer une mise en oeuvre efficace de leurs CDN (IV). Tous progressent vers un avenir durable et à faible émission de gaz à effet de serre.

 

 

1. Développer un cadre politique pour l’action en faveur du climat dans le
secteur agricole à Nauru

Le secteur agricole joue un rôle majeur dans le Pacifique puisqu’il garantit la sécurité alimentaire des populations. Rendue nécessaire pour assurer la résilience des systèmes de production, l’adaptation de l’agriculture au changement climatique constitue également une opportunité. En effet, les investissements dans le développement agricole durable permettent d’améliorer la production et les revenus du secteur.

L’île de Nauru, qui a fait face à une surexploitation de ses ressources en phosphate au cours des années 70 à 90, a ainsi choisi d’inclure dans sa CDN une politique permettant d’encourager les pratiques agricoles durables et traditionnelles utilisant 100 % d’énergies renouvelables d’ici 2050.

Forte d’une expertise technique et reconnue internationalement, la Communauté du Pacifique (CPS) a été mandatée par le NDC Hub afin de soutenir Nauru dans cet engagement. Ainsi, la Communauté du Pacifique (CPS) a réalisé un inventaire des technologies agricoles résilientes au climat, évalué la vulnérabilité du secteur agricole, et mis en place des activités de formation pour les agents techniques à Nauru.

Ce travail a abouti à la publication du premier « Plan d’agriculture intelligente face au climat » de Nauru, qui définit les besoins stratégiques et les priorités en matière de renforcement des capacités. Ce plan encourage des initiatives telles que la formation des agriculteurs locaux, le développement des technologies agricoles, le partage des connaissances et l’utilisation des pratiques agricoles traditionnelles, afin de prévenir la surexploitation des sols et des ressources naturelles.

 

2. Renforcer la mise en oeuvre de politiques environnementales au Vanuatu

 

Selon le rapport sur le risque mondial, Vanuatu est considéré comme le pays le plus exposé du monde au changement climatique et aux risques de catastrophe. Dans le cadre de sa CDN, le gouvernement du Vanuatu a ainsi souhaité réviser sa « Politique en matière de changement climatique et de résilience aux risques de catastrophe (2016-2030) » (CCDRR).

La CCDRR a pour objectif d’établir un cadre national pour l’intégration du changement climatique et de la réduction des risques de catastrophe dans les processus de développement durable. Elle entend améliorer la coordination et la planification des programmes, des projets et des financements entre les ministères, les départements, les partenaires du développement, les universités, les organisations de la société civile et le secteur privé.

La CPS a ainsi accompagné Vanuatu dans la révision de sa politique CCDRR, afin d’assurer sa cohérence avec les cadres nationaux, régionaux et mondiaux ; tels que l’Accord de Paris, le Cadre de Sendai, les objectifs de développement durable et le Cadre pour un développement résilient. En utilisant les critères d’évaluation de l’Organisation de coopération et de développement (pertinence, cohérence, efficacité, efficience, impact et viabilité/durabilité), un total de 52 actions mises en place dans neuf plans et politiques nationaux ont été examinées. Au final, 18 actions étaient totalement alignées avec la CCDRR, 11 étaient partiellement alignées, 19 n’étaient pas alignées et 27 actions étaient indirectement alignées dans divers plans et politiques nationaux.

L’évaluation a montré que le pays disposait de ressources financières limitées et de ressources humaines et d’infrastructures restreintes pour mettre en oeuvre la CCDRR. Pour s’assurer que les communautés et les parties prenantes reçoivent des informations précises, opportunes et pertinentes, l’évaluation a conclu que des systèmes d’alerte précoce et des actions de sensibilisation et d’éducation doivent être menées et contextualisées à tous les niveaux de la société, pour répondre aux besoins spécifiques des groupes cibles. En outre, les ressources humaines et financières doivent être augmentées pour assurer la réussite de la mise en oeuvre de la CCDRR.

 

3. Développer des solutions énergétiques durables pour réduire les émissions de gaz à effet de serre à Palau

 

L’utilisation de sources d’énergies renouvelables et l’adoption de technologies vertes pour produire et utiliser l’énergie sont des moyens essentiels permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dans ce contexte, les CDN incluent souvent l’objectif de développer des solutions énergétiques durables.

Au sein de sa CDN, le gouvernement de Palau s’est ainsi engagé à atteindre un objectif de réduction absolue des émissions du secteur de l’énergie, en prenant également en compte les réductions issues des secteurs des déchets et du transport. Le pays entend atteindre 35 % d’efficacité énergétique d’ici 2025 et réduire de 22 % les émissions du secteur de l’énergie par rapport au niveau de 2005.

Accompagné de la CPS, Palau s’est donc concentré sur l’élaboration d’une réglementation nationale sur l’efficacité énergétique. Cette dernière établit des normes pour les tests énergétiques, la performance, l’éclairage et l’étiquetage des appareils et autres équipements importés et vendus localement. Elle prévoit les procédures d’application et les sanctions correspondantes.
La réglementation sur l’efficacité énergétique a fait l’objet d’une étude précise de la législation actuelle sur l’énergie et des différentes politiques existantes sur le sujet. Un atelier de consultation a réuni 20 parties prenantes du gouvernement, du secteur privé et des organisations de développement afin de renforcer la compréhension des objectifs décrits dans la CDN de Palau.

Enfin, le pays a mis en place un cadre de travail complet pour la réalisation de futurs audits énergétiques, en établissant des normes de qualification et de certification pour les auditeurs énergétiques, en appliquant des normes de qualité aux processus et aux rapports d’audit énergétique,et en mettant en oeuvre les actions recommandées dans les rapports d’audit. Ce cadre permettra de s’assurer que les audits énergétiques sont menés de manière efficiente et précise, et que les mesures d’efficacité énergétique qui en découlent sont mises en pratique.

 

4. Renforcer les capacités d’adaptation et d’atténuation au changement climatique des communautés vulnérables à Tonga et aux États Fédérés de Micronésie

 

Au sein des CDN, le renforcement des capacités d’adaptation et d’atténuation au changement climatique des communautés vulnérables est essentiel pour assurer leur survie et leur bien-être. Les populations vulnérables peuvent être définies comme étant celles qui sont plus susceptibles de subir des dommages en raison de leur faible capacité à s’adapter au changement climatique. Par conséquent, il est essentiel qu’elles soient conscientes du rôle qu’elles peuvent jouer dans le processus de réduction des risques liés au changement climatique et comprennent comment contribuer aux efforts mondiaux de développement durable.

Pour sensibiliser et engager ses communautés, le gouvernement de Tonga a décidé de soutenir les populations vulnérables en leur fournissant des informations et des outils pour mieux comprendre le changement climatique et ses conséquences sur leur vie et leur mode de vie. Afin de s’assurer qu’une attention particulière est accordée à l’inclusion et à la considération des citoyens dans l’effort collectif, le gouvernement a produit des brochures, des t-shirts et une vidéo explicative, en anglais et en tongien.

Au sein des États Fédérés de Micronésie, le gouvernement s’engage à prendre en compte les considérations de genre et d’inclusion sociale dans la communication grand public. Le pays a lancé sa CDN actualisée lors de la COP 27,et notamment mis en avant la nécessité d’associer les communautés aux prises de décision.

Enfin, au-delà des outils et des ressources pour soutenir les efforts des communautés vulnérables, Tonga et les États Fédérés de Micronésie s’efforcent d’élaborer des plans de développement social inclusifs. Ces plans visent à répondre aux besoins spécifiques des communautés en termes d’adaptation et de préparation aux changements climatiques, de sécurité alimentaire et de bien-être social.

 

Conclusion

En définitive, le NDC Hub est plus qu’un simple outil, il reflète la prise de conscience et l’action croissante des pays du Pacifique en réponse à l’urgence des risques liés au climat. En fournissant les outils nécessaires à l’élaboration et à la mise en oeuvre de leurs CDN, il permet aux pays du Pacifique de prendre les mesures nécessaires pour réduire leurs émissions et construire un avenir plus résilient.

Le NDC Hub constitue l’une des nombreuses initiatives développées dans la région pour faire face au changement climatique. Les gouvernements du Pacifique s’appuient également sur plusieurs partenaires régionaux tels que le Secrétariat du Programme Régional Océanien de l’Environnement ou le Secrétariat du Forum des îles du Pacifique pour développer des projets d’énergie renouvelable, introduire des politiques de résilience climatique et étendre les zones protégées. Tous ces efforts démontrent l’engagement du Pacifique à lutter contre le changement climatique : le NDC Hub s’assure que ces actions se traduisent par des progrès réels et tangibles.

 

Anne-Claire Goarant
Responsable de projets pour le programme durabilité environnementale et changement climatique,
Communauté du Pacifique

Maeva Tesan
Chargée de l’information, la communication et la gestion des connaissances pour le programme durabilité environnementale et changement climatique, Communauté du Pacifique

Roxane Degueuse
Officier de liaison pour la plateforme pour les contributions déterminées au niveau national du Pacifique,Communauté du Pacifique

Peggy Roudaut
Responsable du programme PROTEGE, Communauté du Pacifique

 

Article publié dans la Revue juridique, politique et économique de Nouvelle-Calédonie. Numéro 41 | 2023/1. 

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