Réunir les données relatives à la coexistence de la pêche thonière hauturière et de la pêche artisanale en Polynésie française : un numéro d’équilibriste

La Polynésie française, paradis d’eau bleu azur et de plages vierges, est confrontée depuis quelques années à un défi complexe : la coexistence de la pêche thonière hauturière, en pleine expansion, et du secteur de la pêche artisanale existant. Cet équilibre délicat exige une connaissance fine des interactions entre ces deux composantes essentielles de l’économie, de l’écologie et des moyens de subsistance dans la région.

L’expansion de la pêche thonière hauturière

En Polynésie française, le nombre de palangriers hauturiers a connu une augmentation constante, passant de 40 en 2000 à 80 aujourd’hui. Ces navires sont principalement utilisés pour l’exploitation des espèces de thons très recherchées sur les marchés mondiaux des produits de la mer. Bien que la zone de pêche des navires hauturiers ne soit pas limitée, ceux‑ci pêchent généralement au‑delà de 15 milles marins des côtes. Ce secteur joue un rôle essentiel dans l’ouverture de perspectives économiques et le renforcement des moyens de subsistance locaux.

La pêche artisanale : des bateaux plus petits, un impact plus grand

Quant au secteur de la pêche artisanale, il regroupe des bateaux plus petits tels que les bonitiers (10 à 13 m de long) et les poti marara (6 à 9 m de long), dont le nombre dépassait déjà 1 000 en 2022. Ces navires ciblent eux aussi le thon, ainsi que
d’autres espèces côtières comme le mahi‑mahi, le thazard‑ bâtard (thazard du large) et le vivaneau. Ils sont autorisés à pêcher dans une zone s’étendant jusqu’à 15 milles marins des côtes. Cependant, les pêcheurs artisanaux trouvent cette zone trop restreinte pour leur activité et ils s’aventurent parfois sur le terrain des palangriers hauturiers, ce qui peut entraîner des conflits et une concurrence pour l’accès aux ressources.

 

Conflits et appels à l’expansion de la zone de pêche artisanale

Les interactions entre les palangriers hauturiers et les pêcheurs artisanaux se sont parfois envenimées dans la zone des 15 milles marins. Il est arrivé, en effet, que ces derniers découvrent des palangriers opérant dans la zone réservée à la pêche artisanale et qu’ils sectionnent les palangres par frustration et par souci de protéger leurs moyens de subsistance. Ces confrontations soulignent la complexité inhérente au partage des zones de pêche. Face à cette situation, les pêcheurs artisanaux plaident aujourd’hui pour une expansion de la zone des 15 milles marins afin que leur accès exclusif aux eaux côtières soit élargi. Cet appel à l’expansion montre à quel point il est urgent de mettre en place des réglementations efficaces et de négocier des compromis pour assurer la coexistence des deux secteurs de pêche tout en protégeant leurs intérêts respectifs.

Embarcation de pêche poti marara Photographies © Steven Hare et Manu Schneiter (CPS)
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Embarcation de pêche poti marara Photographies © Steven Hare et Manu Schneiter (CPS)
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Appel à l’analyse lancé par le gouvernement

Reconnaissant la nécessité d’une gestion efficace des ressources, le Gouvernement de la Polynésie française cherche activement à comprendre la dynamique entre les deux secteurs de pêche. Par le passé, il avait sollicité l’appui de la CPS pour la réalisation d’une analyse bioéconomique de sa flottille palangrière. Toutefois, l’accent est désormais mis sur l’évaluation de l’ampleur des interactions entre les flottilles hauturière et artisanale dans les zones de pêche partagées. Les principaux éléments à examiner sont la zone de pêche, les espèces capturées et la possibilité d’introduire une réglementation définissant une zone pour les navires hauturiers.

Difficultés liées à la gestion de données

L’analyse historique de la pêcherie (et des données associées) est essentielle pour mieux comprendre les interactions entre les flottilles des deux secteurs. L’un des obstacles importants à la réalisation de ces analyses est lié à l’état des données sur la pêche artisanale en Polynésie française. Bien qu’il existe une multitude de données historiques, la qualité et l’état des informations sont insuffisants pour répondre aux questions posées par le gouvernement. Pour résoudre ce problème, la Direction des ressources marines (DRM) et le personnel de la CPS ont collaboré pour procéder à un nettoyage minutieux des données.

L’ensemble de données historiques examinées au cours de ce processus, et provenant à l’origine d’une base de données MS Access, contenait des informations datant de 1997 à aujourd’hui. Le processus de nettoyage, qui a duré une semaine et a impliqué une étroite collaboration avec plusieurs agents de la DRM, visait à normaliser certains ensembles de données tels que les zones de pêche et les espèces, initialement enregistrées sous forme de texte libre. Il s’agissait aussi de cerner et de fournir les informations manquantes, par exemple celles relatives aux définitions des navires et aux sites de débarquement ; et, à terme, d’assurer l’exploitabilité des données sur la pêche artisanale en les important dans le système de gestion TUFMAN 2 basé sur SQL Server.

Ces travaux seront essentiels à la conduite d’études ultérieures, car la localisation plus précise des sites de pêche, la rationalisation des codes d’espèces et des techniques de pêche, et la normalisation de l’accès à toutes ces données fourniront un historique utile de la dynamique temporelle et spatiale des activités de pêche artisanale, et un éclairage précieux sur les grandes tendances qui se dégagent au fil du temps.

La coexistence de la pêche thonière hauturière et de la pêche artisanale en Polynésie française repose sur un équilibre délicat entre progrès économique, durabilité environnementale et moyens de subsistance traditionnels. L’expansion de la pêche thonière hauturière, destinée aux marchés mondiaux, ouvre des perspectives économiques pour la région, mais son interaction avec le secteur artisanal traditionnel crée également des tensions et une concurrence accrue pour l’accès aux ressources.

L’implication de la CPS dans l’analyse de cette interaction montre que le Gouvernement de la Polynésie française est déterminé à trouver une solution équilibrée permettant une harmonie entre les demandes des secteurs de pêche concernés. Seul un tel effort global permettra à la Polynésie française de faire coexister durablement ces composantes essentielles de son écosystème marin et de son économie.

 

Pour plus d’information :
Emmanuel Schneiter, Responsable des données de pêche régionales, CPS | [email protected]
Chargé de recherche halieutique principal (Coordonnateur national et infrarégional), CPS | [email protected]

 

Télécharger la Lettre d'information sur les pêches n°172 : https://bit.ly/3TK4FZ6

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Division
Pêche, Aquaculture et écosystèmes marins
Bureau régional pour la Polynésie

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Polynesia Regional Office
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Fisheries, Aquaculture & Marine Ecosystems
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